Meilleures Abeilles

Premier article de Hector Wallon, MD, sur l’anecballie (1938)

La Meilleure Abeille

Extrait de La Belgique Apicole,
2(3), 1938, p 81-82,
avec leur permission.
[Retour à la Biblio] Article du Dr Hector WALLON, MD
Bruxelles (Belgique)

Chacun la veut, la cherche. Jusqu’ici, on s’est
préoccupé surtout de la prolificité: gros bataillon, grosse
récolte.

Trop d’apiculteurs négligent encore les
possibilités d’apport en miel, dépendant de la longueur de la
langue, de l’odorat, de la longévité des ouvrières, des
infections larvées du couvain et de la propension à
l’essaimage.

Par de patientes recherches, BAUDOUX est arrivé à augmenter sensiblement la
potentialité de l’abeille. Ces travaux sont actuellement repris,
complétés et vulgarisés par le groupe de Bruxelles, sous
l’active direction de son président, M. DE
MEYER.

Il est un point que, dans la pratique apicole, on
néglige presque complètement : l’essaimage. Je n’entends pas par
là, la méconnaissance des précautions à observer pour en
diminuer la fréquence (reine jeune, espace suffisant, etc.) ; mais
la sélection des abeilles dans le sens à minimiser la tendance
héréditaire à l’essaimage.

Il y a exactement treize ans, je devins
apiculteur. Trop de ruches, manque de préparation et
inexpérience totale me firent commettre quelques erreurs. Au
début de juin, je supprimai toutes mes reines, treize colonies sur
quatorze essaimèrent et je dus les nourrir pour l’hiver. On
comprend aisément que j’avais négligé de supprimer les
cellules maternelles en surnombre. Une seule colonie échappa à
l’inexorable loi et me donna douze kilos de miel (ruche campinoise).
Cette même souche n’a pas cessé de me fournir une récolte
tous les ans et je n’ai jamais renouvelé la reine. Après
quelques années, pendant lesquelles je n’avais obtenu que de la
« viande » dans toutes mes colonies sauf une,
toujours la même, j’ai
compris qu’au milieu de mes abeilles essaimeuses et pratiquement
stériles, il existait une souche présentant, au point de vue de
l’essaimage, une incapacité totale et qu’elle renouvelait
régulièrement sa reine en temps voulu, en m’assurant ainsi
annuellement une récolte satisfaisante. Plusieurs fois, j’ai
observé, vers août septembre, la construction d’une cellule
maternelle de renouvellement, cellule toujours unique, aucun essaim,
aucun dépeuplement au cours de la belle saison.

Il était naturel que je tienne à multiplier
cette souche tout en lui conservant ses précieux caractères.
M’en référant aux auteurs, j’ai fait élever par d’autres
ruches complètement orphelinisées (sans couvain jeune) en leur
introduisant des œufs ou des larves provenant de ma bonne souche.
Il me fut pénible de constater que ces élevages étaient loin
de répondre à mon attente : fécondation au milieu des
colonies essaimeuses. Résultat essaim annuel comme dans la souche
paternelle. Force me fut d’admettre que la reine de renouvellement,
quittant la ruche après le massacre des bourdons des autres
colonies, était fécondée par les bourdons de son propre
groupe ! Je développerai cette question ultérieurement.

Quoi qu’il en soit, pendant six ans, j’avais
possédé une colonie forte, riche en miel et sans jamais
m’occuper de la reine. Je ne parvenais pas à obtenir le même
résultat pour les autres ruches.

En juillet, j’introduisis la reine de ma colonie
préférée dans une autre. La ruche orphelinisée (forte
population, temps chaud et nourrisseur) éleva seulement deux
cellules maternelles, dont l’une, laissée en place, maintint une
colonie aussi satisfaisante que par le passé; l’autre cellule,
placée dans un nucléus et introduite, donna une population qui
essaima en juin de l’année suivante. L’introduction de la vieille
reine réussit et, au printemps, j’avais naturellement une colonie
en plus de l’espèce désirée. Des déboires sont parfois
survenus mais, depuis quatre ans, sur seize colonies, aucun essaimage
et bonne récolte.

ai essayé de rapporter brièvement les
résultats d’une expérience déjà longue. Il est
nécessaire d’attirer l’attention du monde apicole sur le rapport
entre la souche d’abeilles et la propension à la fièvre
d’essaimage ; sur la nécessité de procéder dans ce sens à
une sélection rationnelle.

Dans la pratique courante, on se sert des essaims
pour créer de nouvelles colonies. Combien de fois, n’ai-je pas vu
des apiculteurs avertis se servir de cellules maternelles
prélevées sur les cadres de la ruche qui venait d’essaimer.
Songez à la difficulté de faire élever de nombreuses cellules
maternelles par des souches non essaimeuses, et vous comprendrez que
les reines du commerce sont loin d’améliorer les abeilles au point
de vue qui nous occupe.

Parfois, des apiculteurs ne se souciant pas des
essaims ni du renouvellement des reines, m’ont affirmé un rendement
sérieux en miel. La véritable mutation que je suis parvenu à
fixer dans mon apier n’est donc pas un accident unique.

ai la conviction qu’il est possible de
découvrir des abeilles débarrassées héréditairement de
la fièvre d’essaimage. Le parallèle entre les poules et nos
insectes s’impose : nul n’ignore que les Anglais sont parvenus à
créer des lignées de poules Leghorn qui ne couvent jamais. La
sélection des souches d’abeilles au point de vue de la fièvre
d’essaimage doit être étudiée et mise au point.

expérience m’a appris, et ce d’une façon
formelle, qu’une abeille peut ne jamais essaimer, élever peu de
cellules maternelles, renouveler seule sa reine en temps opportun et
donner quand même de bonnes récoltes. Il y a donc là toute
une série de nouvelles possibilités.

Dans des communications ultérieures, je
développerai les moyens employés pour fixer le non essaimage: le
choix des souches, les précautions à prendre pour ne pas laisser
au hasard de n’importe quel mâle la fécondation des reines, les
conséquences possibles de la consanguinité, etc.

Dès maintenant, il paraît utile que les
apiculteurs qui ont trouvé dans leur apier des ruches ne leur
demandant pas de soins de remplacement des reines, veulent bien le
signaler. Tout en laissant à chacun ses responsabilités, je
tiendrai exactement compte des renseignements fournis.

Ne pourrions-nous envisager la possibilité
d’échanger entre nous des reines ou du couvain ? Cette méthode
serait peut-être précieuse.


Extrait de La Belgique Apicole,
2(3), 1938, p 81-82
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Dr Hector WALLON, MD
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