Moonshine mating — Fécondation au clair de lune — Mondschein Begattung

Une méthode alternative pour la fécondation des reines d’abeilles en place de l’insémination ou de la fécondation sur îles ou en hate montagne

 

„Mondscheinbegattung“
”Moonshinemating“
Accouplement au clair de lune.

 

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Publié en allemand dans …
ADIZ, die Bienen,
2007(3), p. 26-28.
par   Thomas Kober,

Thomas Kober

décédé †24.10.2012 (46 ans)

Adaptation française
et commentaires :
Jean-Marie Van Dyck,
Jemeppe-sur-Sambre
Belgique

C’est un accouplement contrôlé obtenu en modifiant l’heure du vol.

Pour la plupart des apiculteurs éleveurs, la biologie de l’accouplement chez l’abeille est une horreur.  La copulation en vol rend presque impossible un contrôle efficace de cette fécondation multiple.  Tant l’insémination instrumentale que le fonctionnement d’une zone de fécondation sur île ou en haute montagne demandent des efforts considérables.  Et la copulation en cage de vol ne fonctionne pas, n’en déplaise à des brevets déposés.  Est-il donc étonnant que des apiculteurs entreprenants soient allés à la recherche de nouvelles opportunités.

Une méthode peu connue est la méthode dite de copulation dont le temps de vol est limité.  Cette méthode tire parti du fait que les accouplements naturels n’ont lieu que pendant un temps relativement court de l’après-midi.  Des mesures sont prises pour empêcher les reines vierges et les mâles sélectionnés de voler pendant cette période et ils ne sont libérés qu’après cette période d’accouplement naturel.  Restant les seuls, ils sont donc obligés de s’accoupler exclusivement l’un à l’autre.  Des expériences de ce genre sont connues depuis plus de cent ans.  Malheureusement ce ne sont que des rapports anecdotiques ne concernant que quelques reines.  Parfois, ça marche et parfois pas.  Dans la littérature apicole, cette méthode est reprise sous le terme pas tout à fait correct de Moonshine mating c’est à dire rencontre au clair de lune.  Voir aussi à ce propos l’articulet que le Rév.  Père Dugat a publié en 1975.

En Australie, une méthode est mise au point.

Joé Horner de Rylstone en Australie exploite une apiculture professionnelle avec environ 900 colonies dans le plateau de la Nouvelle-Galles du Sud, à environ 240 km à l’ouest de Sydney.  En plus de la production de miel, il pratique abondamment l’élevage.  Ses objectifs de sélection sont en plus de la production de miel, principalement la vitalité, la douceur, et aucune envie de construire de fausses bâtisses.  Ainsi, vous pouvez toujours visiter ses colonies sans voile, et le nid d’abeilles ressemble à celui du Frère Adam — dénué de constructions anarchiques.  Dans les colonies sauvages qui sont très nombreuses dans les domaines sans Varroa de l’Australie, la douceur prononcée ne se produit jamais.

Joé reproduit de la Carniolienne particulièrement pure, mais en plus aussi de la Ligustica et de la Caucasica.  Plus de 2.000 reines sont accouplées à sa station de fécondation chaque année.  La période de reproduction s’étend dans la Nouvelle-Galles du Sud de fin Octobre jusqu’à début Mars environ.

Issu d’une situation désespérée.

Comme beaucoup de bonnes idées, la méthode de Joé Horner, de contrôle de l’accouplement a aussi découlé d’une situation d’urgence.  En 1978 une association régionale des apiculteurs a organisé une importation officielle de reines Carnica et Ligustica en provenance d’Europe.  Joé Horner s’est orienté vers les plaines Hay, une région alors semi-désertique à l’intérieur de l’Australie, une station de fécondation oasis, équivalente à une île au milieu du désert.  A ce moment-là, il y avait eu là-bas un peu d’irrigation et donc il y existait une petite zone gérable, appropriée pour les abeilles.  Les populations sauvages pouvaient être facilement découvertes et détruites, voire ne seraient même pas apparues du tout.  Joé a pu, à partir de là, protégé des colonies férales australiennes, fournir facilement aux multiplicateurs des reines d’élevage correctement accouplées.  Mais après quelques années, les programmes d’irrigation intensifs dans les plaines Hay perturbèrrent la situation Oasis.  L’endroit approprié, du même type, le plus proche aurait été situé à plus de 1.000 km de la ville de Joé …

A ce moment Joé a dû trouver une alternative.  Il a donc mis au point et perfectionné l’accouplement avec temps de vol limité (En anglais : CFTM = Controlled Flight Time Mating).

La méthode CFTM

Le principe de base de la méthode consiste à simuler chez les abeilles une nuit de 21-22 heures et seulement deux à trois heures de lumière par jour.  Ainsi, toutes les tâches d’une journée d’abeilles seraient terminées dans les deux-trois heures — y compris le vol de fécondation de la reine.  Les abeilles sont tenues jusqu’à la fin de l’après-midi dans une pièce sombre et réfrigérée; jusqu’à ce que tous les mâles des populations sauvages soient rentrés ce jour-là dans leur ruche.  Une fois que cela est garanti, les reines et les mâles souhaités sont libérés.

Par rapport à l’insémination instrumentale, non seulement la charge de travail est nettement plus faible, mais n’interviennent ici — comme dans des conditions naturelles — que les mâles les plus vigoureux pour l’accouplement.  Il va de soi que cette méthode ne peut fonctionner que si elle n’est pas utilisée simultanément par d’autres apiculteurs de la région.

La station CFTM en service.

Fig. 1.  La station de fécondation (CFTM) en service.  Au fond, le bâtiment dans lequel les abeilles et les reines passent leur fausse nuit.  Elles ont été introduites au préalable dans les ruchettes de fécondation: sur 3 voies ferrées (petit format, voir Fig. 5.), 10 corps Langstroth, chacun divisé en quatre nuclei.  Soit trente fois quatre nuclei de chaque côté du bâtiment.
Cà et là, on a disposé des fleurs et des arbustes qui servent de repères aux reines.

La station CFTM service, l'autre côté.

Fig. 1a.  La station de fécondation (CFTM) en service, de l’autre côté du bâtiment.

Aucune nécessité d’une protection de la station de fécondation.

La station de fécondation de Joé Horner se trouve sur sa propriété dans une vallée avec une orientation nord (c’est le côté ensoleillé dans l’hémisphère sud!), sur laquelle s’attardent les derniers rayons de soleil de l’après-midi, et donc avec un peu plus tard le coucher du soleil.  Pendant le jour, les nuclei de fécondation sont logés dans une chambre froide alimentée par un générateur diesel.  Les toits et les murs sont isolés avec des plaques de polystyrène expansé de 10 cm d’épaisseur.  Toutes les surfaces de l’intérieur et le sol sont peints en noir mat.  Deux unités de froid font en sorte que la température de la fausse nuit ne dépasse pas 15-17°C.

De cette chambre froide, sortent vers l’est et l’ouest trois voies ferrées (petits rails, voir Fig. 5.) avec sur chacune 10 wagonnets portant les quadruples nucléi (caisses Langstroth divisées en quatre).  Ainsi, la capacité totale de la station est de 240 nuclei.  Pour une distance raisonnable entre les nuclei, les voies parallèles, sont distantes de 2,50-3,00 m et les différents wagonnets sont reliés par des chaînettes de 2 m de long.  Ce système de rails facilite et accélère énormément le transport hors de la chambre froide jusqu’au même endroit et le retour au hangar, à la nuit tombée.  La sortie et la rentrée se font en tirant ou poussant les wagonnets au moyen d’un manche équipé à son bout d’un crochet.

Le mode d’emploi de la CFTM

Aussitôt que les nuclei sont remérés avec une cellule royale prête à naître, ils sont placés dans la chambre froide.  Ils commencent dès ce jour leur journée avec vol limité.  Après 2-3 jours, les abeilles se sont habituées à la procédure out/in.  Environ une dizaine de jours plus tard, les reines ont commencé leur ponte.  En cas de mauvais temps, on peut prolonger la procédure jusqu’à 5 à 6 jours.

Les nuclei sont alors transportés dans un autre rucher où les abeilles reprennent des journées normales.  La station peut alors accueillir un nouveau cycle d’accouplement.

Joé ne prend les reines fécondées que lorsque leur première couvée est operculée.  Les nuclei de fécondation se trouvent donc un peu moins de deux semaines dans les conditions CFTM et un bon trois semaines dans des conditions naturelles.  Ainsi, ils ne devraient pas être sous-alimentés (pollen) ou subir d’autres dommages.

Un rucher de production. Pas de protection si ce n'est un chapeau.

Fig. 2.  En Australie, pendant la très riche miellée de l’eucalyptus, il existe de grand rassemblements de ruches et de très hautes « tours ».

Fig. 3.  Sur les lieux de l’apiculture de Joé, le seul vêtement de protection est un chapeau contre le dur soleil. Photos: Joe Horner.

La disposition des colonies à mâles.

La préparation des colonies de mâles et le soin à y apporter sont en principe les mêmes que pour l’opération de stations de fécondation ordinaires.  Les mâles de ces colonies, dès leur installation et tout le temps, doivent servir aux accou­plements, ils ne sont donc libérés que le soir.  De cette manière, l’introduction de mâles étrangers est en grande partie évitée.

Les colonies à mâles de Joé Horner sont placées dans des ruches avec deux corps à couvain Langstroth.  La seule particularité ne se situe que sur le plancher.  Environ 20 mm au-dessus du plancher, une grille à reine est installée, là-dessus, il y a un cadre avec une autre hauteur de 20 mm, de sorte que le bord inférieur du cadre inférieur est à 20 mm au-dessus de la grille à reine.  Un trou d’entrée est situé sous la grille, et un second au-dessus.  Par un volet l’un des trous de vol est toujours fermé, l’autre ouvert.

Chacune des dix ruches à mâles de Joé est peuplée de mâles provenant de trois colonies différentes.  L’ensemble de ces trente colonies permet une fécondation dénuée d’érosion génétique.  Ce qui est important puisque les reines de Joé sont surtout destinées à des multiplicateurs.  Lorsque le processus des fécondations doit passer d’une race à l’autre, il suffit à Joé de déplacer son contingent de ruches à mâles et d’y amener un autre contingent.

L'apiculture de Joé.

Fig. 4.  On peut lever les hausses supérieures déjà pleines avec un dispositif de levage motorisé sur roues soit pour visiter le corps à couvain, soit pour intercaler un nouveau corps vide ou un chasse-abeilles.

Dans le climat chaud de l’Australie le maintien des colonies à mâles n’est pas sans problèmes.  Vers 37-38°C, les mâles commencent à restreindre leur activité de vol.  Au-dessus de 40°C, ils cessent complètement de voler jusqu’à ce que la température tombe en dessous de 39°C.  Les colonies à mâles de Joé sont situées tout le temps à l’extérieur.  Une toile est tendue par dessus, ce qui leur produit 70 % d’ombre.  La totalité du terrain de la station de fécondation est couverte d’herbes, ce qui permet également de maintenir la température du sol à un niveau plus confortable pour les abeilles.

Vol de fécondation des reines dans les conditions de CFTM.

Ainsi que dans des conditions naturelles, c’est du quatrième au sixième jour après l’éclosion que la reine fait son premier vol d’orientation.  Cependant, sous conditions CFTM, ce délai devient généralement plus court.  De même, la durée du vol de fécondation est raccourcie car après la libération, ne reste que peu de temps de lumière du jour.  La moyenne du temps de copulation est de 7 à 12 minutes, on a observé occasionnellement de 3 à 5 minutes.  Même dans ce court laps de temps, le nombre de vols nécessaires pour une fécondation complète, est moindre que dans les conditions naturelles.  Un grand pourcentage n’effectue qu’un seul vol de fécondation.  Certaines ont besoin de deux jours pour être accouplées.  Et seulement très peu volent encore un troisième jour.  Au cours des 25 dernières années, Joé a observé des milliers de vols de fécondation.  Sous conditions CFTM, on doit être très rapide pour voir le décollage et l’arrivée.

La température dans la chambre froide assombrie joue également un rôle essentiel pour le temps de vol de la reine.  Si celle-ci est maintenue à environ 17°C, les abeilles se traînent ensemble en longueur, comme elles le font au cours normal de la fin de nuit et de l’aube.  La reine n’apparaît qu’environ 13 à 15 minutes après que les unités d’accouplement ont été sorties de la chambre froide et ouvertes (240 ouvertures).  Si, d’autre part, la température dans la chambre est maintenue de 22 à 24°C, la reine peut parfois voler au moment même où le trou de vol est ouvert.

Sortie des nuclei.

Fig. 5.  Quand les ombres s’allongent, en fin d’après-midi, après la fin naturelle du vol des mâles, les unités d’accouplement sont sorties de la chambre froide, poussées sur des rails et positionnées.

Vol des mâles dans les conditions CFTM

Le principal lieu de congrégation des mâles de la station de fécondation CFTM de Joé Horner est situé à environ 500 m de l’autre côté de la vallée.  Au bon moment, on peut voir les mâles volant en ce lieu en une ligne ininterrompue.

Pour déterminer l’heure exacte, où on ne doit plus compter sur des mâles étrangers, quelques colonies volant librement sont étroitement surveillées.  La colonie avec les derniers mâles volants est sélectionné comme colonie de référence.  Les mâles partant et rentrant sont alors comptés dans les intervalles de deux minutes.  Les mâles et les reines de Joé ne sont libérés que lorsque à la colonie de référence seulement peu de retours de mâles sont comptés (au plus trois ou quatre pour deux minutes).  Après la libération, il ne reste que 1½-2 heures de soleil.

La station de fécondation CFTM de Joé Horner est en exploitation depuis 25 ans.  Pendant cette période, Joé a acquis une énorme richesse d’expérience sur les vols de fécondation en général et le cas spécial CFTM.  Le succès de l’accouplement de la station de fécondation CFTM est de 60 à 80 %.  La pureté de l’accouplement n’a pas été vérifiée jusqu’à présent avec un test de « cordovan ».  Mais on peut — selon Joé — sur la base de la douceur et de la couleur de la progéniture l’accepter comme largement sécurisé.

Essayer cette méthode en Europe ?

Cela pose la question de savoir si un système similaire pourrait fonctionner dans nos pays.  L’Australie est de loin plus chaude et surtout plus sèche.  D’autre part, la longueur de jour est supérieure sous nos latitudes en été.  Cela vaudrait la peine d’essayer cette méthode dans nos pays.

Publié en allemand dans …
ADIZ, die Bienen,
2007(3), p. 26-28.
par   Thomas Kober,
décédé †24.10.2012 (46 ans)

Adaptation française et commentaires :
Jean-Marie Van Dyck,
Jemeppe-sur-Sambre
Belgique