Le Frère Adam à Soltau — 1971

Description par le Frère Adam de sa méthode de sélection et son avis concernant les divers croisements. Adaptation française Georges LEDENT

Frère ADAM à Soltau

paru dans La Belgique Apicole,
vol. 36(6) 1971, p 139-141,
avec leur permission.
Exposé à Soltau
par le Frère Adam, O.S.B.,
Abbaye St. Mary, Buckfast,
Sud Devon, Angleterre.
Rapport et adaptation française
par Georges Ledent,
Bruxelles, Belgique.

Belg.Apic. 36(6) 1971 p139-141

Le 29 décembre 1970, se tenait à
Soltau, pour la 5e année consécutive, cette
assemblée des apiculteurs professionnels allemands qui
présente, chaque fois, un intérêt tout
particulier.  L’assistance, quelque 600 personnes cette année,
est composée de gens de métier et ne se compare, en
Europe, qu’à cette association d’apiculteurs
« commerciaux »
anglais où l’on n’a accès que si l’on justifie exploiter
40 colonies au minimum.  C’est à Soltau — je l’ai en son temps
rapporté ici même — qu’un
participant lança ce slogan : « Qu’importe la race, c’est la
masse qui compte !
 »

Cette année, Soltau accueillait le
Frère Adam, dont le long exposé avait sans doute le tort
de trop prôner « l’abeille Buckfast », ce qui était
inévitable.  En effet, Frère Adam est dans l’engrenage
depuis 1910, si même ce n’est qu’en 1919 qu’il reprit la
direction du rucher qui devait le rendre célèbre, et son
oeuvre, ses recherches, ses réussites l’autorisent à
affirmer sa position.

Frère Adam savait aussi qu’il affrontait
un auditoire, oserais-je dire, carniolisé à jet continu
et où les non inféodés à cette
évolution de l’apiculture en Allemagne suivant les directives
du Professeur Ruttner, font figure de fantaisistes sinon de quasi
anarchistes.  D’autre part, il ne pouvait avoir oublié le
malheureux sort de ses reines, dont il avait eu l’imprudence d’avancer
que la race résistait à la maladie, et que les allemands
avaient infectées en un minimum de temps après les avoir
introduites dans un milieu tellement contaminé… que leur
démonstration n’avait plus aucun sens.

Le croisement constitue la base même de
tout le système du Frère Adam en élevage; chacun
sait qu’il est parti d’un croisement de l’abeille la ligustica
italienne brun-cuir avec l’abeille indigène anglaise (A.m.
mellifera
) foncée (1917).  Pour lui, l’abeille de race
pure n’est qu’un outil en vue de combinaisons où le bon est
retenu et le mauvais éliminé.  Le fait, maintenant
incontesté parce qu’incontestable, que l’isolation des stations
d’élevage était inefficace a, dit le Frère Adam,
épargné à l’Allemagne les dégâts de
l’élevage dans la consanguinité.

L’argumentation du Frère Adam repose sur
le fait que tout, dans la nature, concourt à favoriser les
croisements.  Voyez l’intervention de nombreux faux-bourdons lors de la
fécondation, ainsi que le fait même que celle-ci a lieu
à l’air libre.  En fait de rendement, si étonnant que ce
soit, les records ont été obtenus par des combinaisons
issues de lignées exemptes de toute manipulation
d’élevage.  Et Frère Adam de déclarer qu’avec
fécondation au rucher même, beaucoup de résultats
peuvent être atteints, à condition de ne pas
opérer sur une trop petite échelle.  Pour parer à
tout malentendu, précisons qu’il ne faudrait pas voir là
un encouragement à la pratique de l’apiculture que nous
appellerons : passive (chacun comprendra).

Bien au contraire, Frère Adam, à
cet endroit de son exposé, s’engage à fond dans le
domaine des hybrides F1 et F2, voire F3 et F4.  Nous ne tenterons pas
de le suivre dans le détail; une certaine confusion nous laisse
sous l’impression que cette partie avait quelque chose d’un feu
d’artifice, étincelant sans doute, mais qui laisse
ébloui.

L’hérédité maternelle a,
dans les croisements, une influence plus marquée que celle de
l’autre sexe.  Chez les F1, qui prennent quelque chose pour leur rhume,
le surcroît énorme de vitalité s’accompagne
fréquemment d’une tendance irrésistible à
l’essaimage.  Celle-ci se résorbe au cours des
générations suivantes rendant possibles alors des
rendements maximum.  Les F2 et F3 donnent des résultats
dépassant ceux des races dont ils sont issus.  Il arrive que le
croisement entre races ou lignées douces produise des
démons : on parvient à y remédier par croisement
en retour sur la race d’origine (parfois).  Enfin, le premier
croisement n’est que rarement un succès du point de vue
économique : le cas échéant, il peut
décevoir fortement.

Au passage, Frère Adam a bien voulu
reconnaître l’existence de quelque chose qui s’appellerait
l’adaptation (au milieu).  Mais aussitôt il ramène cela
à rien en faisant état de ce qu’en Israël
(où son abeille est commercialisée depuis un bon bout de
temps) la Buckfast donne des rendements supérieurs de 25
livres à ceux d’abeilles acclimatées, qu’il ne
décrit pas plus précisément et dont il ne nous
dit pas, par exemple, s’il s’agit d’abeilles ayant été
améliorées par la sélection comme les siennes.

Que l’abeille Buckfast, race artificielle, c’est
entendu, convienne partout sans avoir besoin d’une adaptation aux
conditions locales, bien à regret, nous ne pouvons y croire.  Et
les Allemands, depuis qu’ils favorisent la Carnica, reconnaissent
volontiers qu’ils ont chez eux, maintenant, sous cette appellation,
une abeille en passe de diverger — par adaptation — de plus en plus du
type tel qu’il était au départ.  Nous restons,
vis-à-vis des uns comme des autres, toujours d’avis que
l’amélioration de l’abeille locale constitue la solution la
plus logique, parce que ne nécessitant aucune acclimatation.  Il
n’est d’ailleurs pas certain qu’on parvienne jamais à
l’éliminer totalement là où l’on entend lui
substituer une abeille étrangère dont elle
s’ingéniera, indéfiniment, à venir souiller la
pureté.

Cette notion de pureté vacille un peu
d’ailleurs, semble-t-il, ces temps derniers.  Frère Adam, qui
n’hésite pas à attribuer l’essentiel des qualités
de la Sklenar à l’influence de la mellifica,
préfère s’en référer à des
critères de coloration, d’ailleurs assez
généraux, de préférence aux signes si
méticuleusement définis par l’école
carnioliste.  Il faut dire que Böttcher ne l’avait pas attendu
pour déclarer que les dits signes — et il insiste en
particulier sur l’indice cubital — trompent parfois lorsqu’on examine
les résultats de croisements.

Frère Adam se devait, naturellement,
d’enfourcher son dada, l’élevage combiné (entre races
diverses) auquel il attache une importance toute particulière
pour l’apiculture dans un proche avenir.  Un élevage de la
carniolienne en race pure est, selon lui, un excellent point de
départ pour essayer divers essais de combinaison.  La nature,
dit-il, viendra toujours à l’aide de celui qui procédera
à ce genre d’élevage.  Toutefois, il ne faut pas
s’attendre à ce que tous donnent de bons
résultats.  D’où la nécessité de
procéder à quantité d’essais poussés et
à un choix parmi les reines hybrides F2, portant sur une
quantité énorme de sujets — il mentionne 2 000 comme un
minimum ! — dont 80 % seront éliminés
immédiatement, puis encore 10 % au second contrôle.  La
création d’une race artificielle suivant cette méthode
est une affaire qui prend sept années, un temps
extraordinairement court, suivant le Frère Adam, grâce
à cette sélection sur une aussi grande quantité
d’individus.  Pour toute autre espèce animale, il faudrait bien
plus de temps.

Et cependant, ce n’est qu’à la coloration
typique que Frère Adam a recours pour sélectionner.  Et
il signale encore qu’il peut arriver que des qualités, des
défauts aussi, certainement, affectent le produit, alors qu’ils
ne se trouvaient ni d’un côté ni de l’autre au
départ.

Suit la conclusion : « L’élevage par
combinaison englobe quantité de possibilités, mais c’est
lui qui sera décisif pour toute l’apiculture de l’avenir.
 »

Nous avons assez nettement l’impression que
l’auditoire a été sérieusement secoué mais
est un peu resté sur sa faim : Frère Adam en a trop dit,
et pas assez en même temps.  Aussi, déjà en fin de
compte-rendu dans le numéro de mars 1971 de 1’« Allgemeine
Deutsche Imkerzeitung
 », nous sommes prévenus que
l’exposé de Frère Adam suscitera à bref
délai des prises de position… qu’il sera intéressant
de suivre, le cas échéant.

paru dans La Belgique Apicole,
vol. 36(6) 1971, p 139-141,
avec leur permission.
Exposé à Soltau
par le Frère Adam, O.  S.  B.,
Abbaye St.  Mary, Buckfast,
Sud Devon, Angleterre.
Rapport et adaptation française
par Georges Ledent,
Bruxelles, Belgique.