La vitalité chez l’Abeille

Discussions sur la vitalité chez l’abeille

La vitalité chez l’abeille

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Article par Georges Ledent,
Bruxelles, Belgique
avril 1961
Extrait de La Belgique Apicole ,
25(4), 1961, p 86-87
Avec leur permission

Au retour d’une tournée en Allemagne, Frère Adam
laissa échapper une boutade à retenir et à méditer. 
« Comment, disait-il en substance, avec tant de matériel,
d’accessoires, de produits de toute espèce destinés à
l’apiculture, le rendement moyen obtenu dans ce pays frise-t-il la
médiocrité ? »

Dans une certaine mesure, il se pourrait qu’il y ait liaison de
cause à effet entre l’un et l’autre.  En ce début de
printemps, tout apiculteur assidu à ses ruches ne manque pas de constater,
chaque année, avec la même surprise, que dès que le soleil a fait
quelques apparitions, il rentre du pollen.  S’il risque un coup
d’œil, imprudent à coup sûr, dans une ruche,
généralement il y trouvera aussi du nectar frais.  Et pourtant,
traités et manuels foisonnent de recommandations : veiller à ce
que vos abeilles soient convenablement fournies de substituts de pollen,
approvisionnez vos colonies en eau, de préférence à
l’intérieur de la ruche — sauf, j’espère, celles
où l’humidité va jusqu’à suinter à
l’entrée.  Un peu de chauffage, électrique ou autre, se
recommande aussi.  N’ai-je pas lu enfin qu’un peu de claustration
aurait un effet excellent pour parer aux sorties d’où l’on ne
revient pas ?  Pensons encore à administrer compositions où
entrent petit lait, levure, sans parler des traitements et retraitements contre
toutes sortes d’horreurs.

Sans doute, certaines de ces interventions se justifient-elles. 
L’apiculteur négligent à la fin de la saison dernière y a
l’occasion de soulager sa conscience et plus d’un nourrissement stimulant
aura l’effet d’un sauvetage providentiel au bord de la famine.  Mais
se recommande-t-il vraiment de mettre ainsi tout en œuvre pour sauver en ce
moment …  n’importe quoi ?  Honnêtement, je pense que
non et qu’une fois de plus, les abeilles en connaissent plus que nous.

Le cas de sortie en masse par grand soleil sur un tapis de neige mis
à part, si certaines abeilles ne regagnent pas la ruche, c’est
qu’elles sont affaiblies, vieilles ou malades, que leur vitalité est
épuisée, autrement dit que leur survie est de peu
d’utilité, voire nuisible.

Dans la communauté des abeilles, il faut bien le dire, la
santé, la prospérité requièrent
l’élimination sans recours des faibles, des vieux et des malades, de
tout ce qui ne sert pas ou plus.

Rappelons nous, par exemple, comment avaient fini les
faux-bourdons : l’automne dernier.  Un beau jour, les
ouvrières se mirent à les molester.  Les pauvres
s’efforçaient de quitter la ruche tandis que leurs poursuivantes, si
vous l’avez observé, s’accrochent à eux alors qu’il
serait tellement plus simple — humainement parlant — de les laisser
partir, ce qu’ils finissent par faire, du reste, peut-être avec les ailes
un peu rognées ou même un coup d’aiguillon.  Pendant ce
temps, fort curieusement, des faux-bourdons, retour de vol, regagnent
l’intérieur de la ruche sans encombre.  Qu’en conclure sinon
que certains, épuisés, ne rentrent pas, que de jour en jour il en
rentrera moins, jusqu’à ce qu’il n’en rentre plus. 
Mais aussi longtemps qu’auront subsisté des mâles encore
doués d’une vigueur suffisante, l’entrée de la ruche ne
leur aura pas été refusée.

Revenons à l’élimination printanière, toute
spontanée, celle-là, des ouvrières, sélection naturelle
ayant pour effet de ne conserver que les sujets encore aptes, et seulement aussi
longtemps qu’ils le resteront.  Le maintien des inaptes, grâce
à des artifices, ne contribuera pas à assurer un meilleur
développement de la colonie, bien au contraire.  Durant le confinement
hivernal, les populations se trouvent, par la force des choses, dans les meilleures
conditions pour que se développent diverses maladies, outre le
vieillissement.  La reprise des activités extérieures marque un
retour vers la santé, sauf pour ce qui est des maladies du couvain. 
L’amélioration est tellement prononcée qu’on la qualifie
souvent de guérison.  Ne tient-elle pas à
l’élimination des sujets malades au cours des sorties
printanières ?  Dans l’affirmative, plus tôt ce sera
fait, mieux cela vaudra.  Dut-il ne subsister qu’une population
réduite mais parfaitement épurée, elle sera plus capable, avec
un bonne reine, de se développer vigoureusement que telle autre restée
plus peuplée au départ mais dont l’ardeur sera freinée par
la présence de non-valeurs.

Nous venons de faire allusion aux maladies du couvain.  Il
semblerait qu’en cette matière aussi l’élimination pourrait
jouer.  Certains auteurs estiment, en effet, que les larves infectées y
sont rejetées à l’extérieur, à la différence
d’autres colonies qui se laissent envahir.  Encore faut-il que les
circonstances, parmi lesquelles se rangeront, le cas échéant, des
manipulations de l’apiculteur, ne favorisent pas le développement
d’infections dans une mesure telle que la lutte, ne devienne
inégale.

Frère Adam — encore et toujours lui, mais n’est-il
pas le premier praticien scientifique au monde ?  — avait, un beau
jour, à Hanovre, je pense, déclaré qu’il avait
développé des lignées résistantes.  Quelques reines
furent demandées, lesquelles furent introduites dans des colonies où
régnaient les pires conditions d’infection.  Vous devinez la suite,
et la conclusion, absolument erronée : les reines n’étaient
pas résistantes.

Restons dans le bon sens : on ne peut attendre d’une reine
résistante qu’une chose, c’est que les ouvrières
nées d’elle sachent lutter contre l’infection et assez
généralement en venir à bout.  Peut-être savent-elles
utiliser avec un talent particulier les propolis, la distillée et
l’autre, aux propriétés antiseptiques admirables. 
Peut-être ceci se conjugue-t-il avec une rigoureuse élimination de toute
larve infectée.

Quoi qu’il en soit, ce sont là, de nouveau, des
manifestations de cette vitalité des abeilles sans laquelle
l’apiculture, elle aussi, cesse d’être viable.

Extrait de La Belgique Apicole ,
25(4), 1961, p 86-87
Avec leur permission
Article par Georges Ledent,
Bruxelles, Belgique
avril 1961