Hygiène du couvain et VSH Varroa Specifique Hygiene

Bruthygiene und Varroa Sensitiv Hygiene in der praktischen Zuchtauslese


 

La santé du couvain et le VSH pratiqués dans un élevage sélectif

 

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Publié dans …
der Buckfastimker,
2014(4)
article par  
Paul Jungels,

Paul Jungels

LU-9361 Brandenbourg

Adaptation en français :
Jean-Marie Van Dyck,
BE-5190 Jemeppe-sur-Sambre
avec son autorisation

Ce dont les abeilles sont capables ne cesse d’étonner l’observateur attentif.

Mais ce qui me surprend le plus, c’est que parfois les abeilles ne « le » font pas ou, à certains moments, elles semblent oublier de « le » faire !  À ce propos, comment comprendre par exemple, leur comportement vis-à-vis des maladies du couvain ?  Surtout après une intense miellée d’été, lorsque les ouvrières sont toutes « braquées » sur l’élaboration et le stockage du miel, il faut souvent beaucoup de temps pour que la vitalité du couvain redevienne la priorité des colonies.  Il me semble que, chaque fois, une nouvelle génération d’ouvrières doit naître pour démarrer l’élevage intensif des abeilles d’hiver.  C’est surtout en cette phase d’après récolte, en fin juillet (mais parfois aussi pendant ou peu après une phase intensive de récolte de printemps) que l’apiculteur, s’il en prend le temps, peut observer de visu, dans presque toutes les colonies, des anomalies du couvain.  Cependant, dans certaines colonies, on ne voit pratiquement aucun dommage, sauf un surcroît de lacunes — cellules ayant été vidées et à nouveau remplies de ponte —, essentiellement sur des surfaces de couvain operculé, peu avant l’éclosion.  Il faut en conclure que les colonies d’abeilles ont une sensibilité différente aux maladies, y compris les maladies du couvain.  Et sûrement, ces sensibilités ont un lien direct ou indirect avec la génétique.

Mais, là n’est pas la question de cet exposé.  Ici, je m’intéresse davantage à la réactivité des colonies face à certains problèmes.

Les colonies, possédant une réactivité normale, évacuent notamment le couvain malade, ouvert ou operculé.  Elles écartent ainsi largement la propagation d’une maladie du couvain.  Étant donné que ces propriétés montrent une forte héritabilité (Walter Rothenbuhler 1964, Job van Praagh 1994 et 1999), il devrait être possible de les intensifier dans les lignées d’élevage par une sélection ciblée.

C’est aussi le cas pour le VSH, Hygiène spécifique au Varroa (Bob Danka, Tom Rinderer 2013).  Les colonies VSH détectent et évacuent les cellules de couvain dans lesquelles une fondatrice Varroa s’est multipliée avec succès.  Ces colonies interfèrent donc efficacement avec la prolifération effrénée des Varroas et subissent à peine les conséquences habituelles de cette prolifération.  Cette caractéristique permet donc d’éviter les séquelles connues : les virus du couvain et des abeilles ainsi que les loques bénignes, maladies qui finissent par faire périr les meilleures colonies.

Il convient aussi de signaler qu’il semble que des gènes différents soient à la base d’une part de l’impulsion d’ouverture des cellules abritant une fondatrice et sa descendance et d’autre part du vidage et nettoyage de celles-ci.  Et puisque c’est le cas, il semble probable, que du point de vue génétique, les deux propriétés montrent plus de chevauchements que certains scientifiques ne le soupçonnent aujourd’hui (Ralph Büchler (DE), communication personnelle, confirmée par mes propres expériences).

Si les deux propriétés sont combinées dans une lignée, nous pouvons supposer que ces colonies seront en grande partie résistantes au Varroa.  C’est ce qui est prévu dans les directives du programme d’élevage de la FUAL : multiplier les colonies, bonnes en général et d’une fécondité convenable, mais qui surtout, montrent un relativement faible développement des Varroa en fin de saison.  Il est certain que dans quelques colonies, la prolifération des acariens dans le couvain est réduite et même supprimée.  Et un grand pourcentage de ces acariens restent stériles.  Cette situation peut avoir des raisons encore inexpliquées (physiologiques et/ou saisonnières).

Un service aux apiculteurs

En vue des inséminations effectuées au Luxembourg en 2008, 2010, 2011 et 2012, des mâles, produits par des colonies testées pour leur qualités hygiéniques, ont été fournis.  D’ici quelques années, on voudrait fournir aux apiculteurs des mâles provenant uniquement de colonies testées-VSH.  Les problèmes et les difficultés de la sélection de ces colonies seront mieux compris grâce à quelques connaissances de base.

La colonie d’abeilles en tant que communauté

Tant que nous sommes sur ce sujet, imaginons une ruche qui élimine les cellules de couvain malade après infection accidentelle par un agent pathogène.  Elle pourra survivre mieux que toute autre, restant en bonne santé, sans symptôme clinique visible.  Nous nous polarisons donc sur cette excellente colonie et attendons le meilleur de sa descendance.  Souvent, pourtant, cette progéniture nous déçoit tristement.

Qu’est-il arrivé ?

En représentation très simplifiée (généticiens et biochimistes : excusez-moi !) voici quelques options : la colonie se compose des ouvrières qui ont reçu …

  • d’une part, un œuf contenant la moitié des chromosomes de leur mère, la reine diploïde de la colonie,
  • d’autre part, la totalité des chromosomes d’un spermatozoïde — provenant de la spermathèque de la reine — qui a fécondé l’œuf.

Dans la Fig. 1, on suppose que 24 mâles se sont accouplés avec la reine, il y a donc dans la spermathèque 24 groupes différents contenant des spermatozoïdes, parfaitement identiques.

Représentation graphique de la génétique d’une colonie selon van Praagh

Fig. 1.  Représentation graphique de l’héritage d’une colonie.  Les ouvrières héritent chacune de la moitié des gènes de la reine, au hasard de la méiose (plus de 65 000 possibilités), l’ensemble est représenté par la zone centrale en arc-en-ciel).  Elles héritent d’autre part des gènes d’un spermatozoïde de l’un des groupes de la spermathèque de leur mère (l’ensemble représenté par les 24 différents groupes de couleur uniforme à la périphérie).  (Représentation du Pr. Job van Praagh)

Il existe une variété de possibilités, dont …

  1. La reine est homozygote pour les propriétés en question.  Elle a tous ces gènes en double.
    • Les gènes désirés seront donc obligatoirement présents dans chaque œuf après la division réductionnelle.  Donc chaque mâle produit par cette reine portera ces gènes.
    • Et naturellement chaque abeille/reine fille aura sa part de gènes venant de sa mère.
  2. La reine est hétérozygote pour ces propriétés
    • Au mieux, 50 % des œufs auront les gènes souhaités et 50 % ne les auront pas.
    • Généralement, les gènes seront dissociés et chaque œuf n’en aura qu’une partie ou pas du tout

Cependant, pour faire une abeille/reine, il faut que cet œuf soit fécondé.  Dans notre exemple, il y avait 24 mâles impliqués dans le remplissage de la spermathèque : 24 groupes différents contenant des spermatozoïdes identiques.  Plusieurs situations peuvent se présenter …

  1. Un seul, plusieurs ou tous les mâles sont porteurs des gènes souhaités, ou seulement, ce qui est généralement le cas, rien qu’une (petite) partie de ceux-ci.

On peut donc imaginer maintenant la variation dans les qualités de chaque ouvrière/reine.  Dans le cas d’homozygotie de la mère, toutes les abeilles reçoivent au moins un set des gènes désirés.  Mais dans le cas d’hétérozygotie, l’héritage de chaque abeille/reine dépendra de celui du spermatozoïde qu’elle recevra.  L’expert va parler de génotype — ce qui est inscrit dans les gènes.  Plusieurs possibilités :

  1. Si le caractère est dominant, il agira, chez l’abeille, qu’elle l’ait reçu de sa mère (l’œuf) ou de son père (spermatozoïde de la spermathèque), ou bien sûr, qu’elle l’ait reçu des deux.  C’est le cas de la résistance à l’acariose.
  2. Si cependant ce caractère est récessif, pour qu’il puisse agir chez l’abeille, il faut qu’elle l’ait reçu de ses deux parents, et donc il doit se trouver dans l’œuf et dans le sperme.  C’est le cas de la sensibilité à l’acariose
  3. Une troisième variante est possible.  La qualité en question est de type additif, et donc plus il y a de gènes dans les ouvrières (et donc dans la colonie), plus cette qualité sera exprimée.

Cette dernière possibilité est presque toujours en cause, car peu de propriétés visibles dépendent d’un gène unique, mais plutôt d’une série qui se complètent les uns les autres, à des degrés divers.  Les caractéristiques visibles sont appelées le phénotype.

Une bonne colonie se compose d’environ 50 000 ouvrières qui constituent le potentiel d’une propriété observable.  Les abeilles ne peuvent pas être observées comme un chien ou une vache, soit comme un être vivant ordinaire, car les propriétés visibles sont celles exprimées par la colonie, par la communauté.  Les différents groupes d’abeilles de la colonie agissent selon les besoins et la saison.  Le système de communication n’agit pas seulement pour la transmission d’informations concernant les sources de nourriture, mais affecte aussi le comportement de la colonie entière, du pré-printemps à la fin de l’automne et même tout au long de l’hiver.  De manière plus figurée, on dirait : une maçonne sait aussi raboter, nettoyer ou bien recueillir le nectar d’une butineuse si la motivation et l’encouragement par les copines sont suffisants.  À titre d’exemple observable : même de vieilles abeilles sont encore capables, le cas échéant, de soigner du jeune couvain ou de bâtir des rayons.

Pour la pratique du travail de sélection, trois questions importantes se posent donc :

  1. Combien faut-il de groupes d’abeilles ou d’abeilles individuelles spécialisées dans une colonie, pour y provoquer une réaction suite à un besoin ?  Dans notre exemple, détecter les cellules contaminées, malades ou mortes, les ouvrir et les nettoyer ?  Cela conduit à une seconde question importante :
  2. À partir de quel pourcentage de la population dans ces colonies verra-t-on apparaître ces propriétés souhaitées ?  Et chez les reines ?  Et chez les mâles ?  Et sous quelle forme ?  Quelle chance a-t-on qu’une jeune reine, fille d’une reine d’élevage (un œuf et un spermatozoïde parmi les 15-24 types de la spermathèque) possède ces caractéristiques ?  En tout cas, pas plus qu’une simple ouvrière, sa sœur dans la ruche d’élevage.
  3. Comment et quand peut-on distinguer l’une de l’autre les reines-filles pour que l’on puisse savoir si l’on a obtenu les caractéristiques désirées pour les utiliser et même les intensifier, de sorte qu’elles apparaissent à l’état pur dans tous ou presque tous les descendants ?  Et quelle sera la nouvelle réaction de la colonie ?  Plus précisément, on observe (Page & Robinson 1992) que les différents groupes d’ouvrières sont prédestinés à des tâches spécifiques dans les ruches.

Qu’est-ce que le praticien peut observer ?  Pour moi, cette question n’est pas claire.  Donc j’ai essayé d’y répondre autrement.

Quel pourcentage de « spécialistes » y a-t-il dans une colonie qui fonctionne correctement ?  C’est-à-dire dans une colonie qui hiverne bien, qui recueille largement du nectar et du pollen, qui fait du miel, qui soigne bien le couvain et où à la fin, tout le monde travaille !  Si toutes les ouvrières sont des « spécialistes » la colonie fonctionne-t-elle souplement ?

Par des accouplements appropriés, on pourrait augmenter cet héritage et accumuler les propriétés qui se trouvent à des degrés divers dans presque toutes les souches d’abeilles.  En travaillant avec un organisme complexe comme une colonie d’abeilles et avec les objectifs de sélection spécifiques en jeu ici, sans stratégie appropriée, on n’arrivera cependant pas, ou vraiment trop lentement, au but envisagé.  On manque aussi d’expérience dans ce genre de recherches.

De plus, on travaille dans la nature et on doit se soumettre à ses contraintes (caprices).  Par exemple, il fut très difficile, au milieu de l’été 2013, de constater de réelles différences entre les colonies dans leur réaction contre l’augmentation de l’infestation des Varroa.  En effet, l’attaque était encore quasiment nulle, à la fin août, dans la majorité des ruchers.  Quelles erreurs peut-on faire alors dans la comparaison des résultats ?  Au contraire, nous avons connu l’extrême opposé à la fin de cet été (2014).

La situation est du même genre en ce qui concerne l’hygiène du couvain.  En outre, ce que l’on observe ne constitue pas une valeur absolue, qui serait directement comparable en toutes saisons.

La station de fécondation en service

Fig. 2.  La station de reproduction en service.  Chaque unité comporte quatre nuclei (4× 5 cadres ½ Dadant).  Ces nuclei sont de réelles mini-colonies et permettent l’examen préliminaire et la comparaison de grandes séries de sœurs, toutes conditions étant identiques.

Évaluation des lignées de mâles hygiéniques, en pratique

La façon la plus élégante, la plus efficace, d’incorporer une caractéristique particulière dans une population d’élevage est d’utiliser des mâles convenablement choisis et de contrôler l’accouplement.  Cela répété sur plusieurs générations.

En général, on travaillera avec des groupes de sœurs qui donneront les mâles.  Il est clair qu’une reine-fille d’une colonie, qui élimine rapidement et complètement le couvain mort, devrait posséder ces gènes (ainsi que ceux de toute autre propriété).

Nous n’avons accès qu’au phénotype des colonies — ce que l’on observe —.  On devrait pouvoir effectuer une sélection précise dans un groupe, parmi un nombre raisonnable de reines-filles.  Celles qui seraient choisies devraient posséder les qualités souhaitées.  Nous tentons d’utiliser au mieux ces règles préliminaires sur notre station d’élevage (Fig. 2).  Là, nous avons l’avantage que toutes les colonies peuvent être examinées dans des conditions extérieures, climatiques et physiologiques identiques (nuclei de fécondation constitués de cinq ½ cadres Dadant).  Cela augmente naturellement la pertinence des résultats des tests hygiéniques.  Pour obtenir un résultat significatif, il faut bien sûr procéder aux tests au moins six semaines après le début de la ponte de la jeune reine — à ce moment, presque toutes les ouvrières sont des filles de la reine testée.

Méthodes utilisées pour mesurer l’élimination du couvain mort

On connaît plusieurs procédés …

Appareil pour effectuer le pin-test

Fig. 3a.  Petit appareil pour effectuer facilement le pin-test.  Conception Bernard Leclercq, 2001.

  • Le plus simple est probablement le test de l’aiguille (pin-test).  Ce test peut être fait sans beaucoup d’aide.  On marque une cellule au moyen d’une aiguille à perle et à partir de là, suivant un cache en forme de losange et au moyen d’une aiguille très fine, on perce 50 ou 100 cellules operculées (âge : nymphe aux yeux violets).  Un petit appareil permet de faire cela d’un seul geste (Fig. 3a).
  • Le gel d’un morceau de couvain, laissant intact l’opercule est beaucoup plus élégant, car aucun trou ne laisse s’échapper l’odeur du cadavre de la nymphe.  Au moyen d’une lame très fine (cutter), on découpe un losange de couvain operculé du même âge (10 cellules x 10 rangées).  Ce morceau de rayon est placé au congélateur en y ayant noté le numéro de la ruche.  Après 24 heures, on reintroduit le morceau de rayon dans le cadre d’où il vient.
  • L’usage de l’azote liquide pour assurer la congélation est une autre méthode qui peut se montrer plus commode si beaucoup de colonies doivent être testées et si les opérateurs sont en nombre suffisant (mode opératoire Fig. 3b).
  • Le cas échéant, on peut brûler une petite zone de couvain délimitée par un cercle de métal, comme pour l’action de l’azote, mais dans ce cas aussi (cf. pin-test), la surface des opercules est complètement modifiée.

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Methoden im Vergleich

Fig. 3b.  Congélation de petits cercles de couvain au moyen d’azote liquide.

Usage de l’azote liquide

Tous les récipients dans lesquels on manipule l’azote doivent être en polystyrène expansé, faute de quoi, il faut absolument utiliser des gants isothermes.  L’azote est conservé dans un récipient thermos (visible à l’arrière de la voiture, Fig. 3b) et une certaine quantité en est prélevée dans une boîte en polystyrène expansé (à côté).  Avec cette boîte, on remplit des gobelets (disposables, à café, de 200 mL également en polystyrène), ce qui constitue la dose convenable pour une congélation.

Mode opératoire …

  1. Pour délimiter les cercles à congeler, on utilise des boîtes à conserves, de 73 mm de diamètre, ouvertes aux deux bouts.
  2. Le cadre est posé sur une surface solide.  On enfonce, en tournant, la boîte dans la zone de couvain à tester.  Bien faire tourner la boîte pour assurer l’étanchéité au moyen du liquide libéré par la rotation.
  3. On verse, vraiment petit à petit, les 200 mL sur les cercles délimités par les boîtes.  Petit à petit car il faut à tout prix limiter les fuites qui congèleraient une trop grande surface de couvain.  Attendre la fin de l’ébullition avant d’ajouter la dose suivante.  Cela prend quelque cinq minutes.  Ne pas toucher avec les doigts les boîtes gelées (-180°C).
  4. Au début, laisser se réchauffer lentement, pour que la congélation diffuse dans le couvain.  Ensuite, on peut chauffer un peu le haut des boîtes pour accélérer le réchauffement.
  5. Lentement pour ne pas casser la zone gelée qui est devenue friable, essayer de faire tourner la boîte — être patient si l’on veut un résultat correct — puis enlever prudemment la boîte.
  6. Faire une photo avec le nom de la reine/colonie.
  7. Examiner le résultat après 20 à 24 heures.  Éventuellement, refaire une photo.
  8. Un bon résultat après 48 heures est mieux que rien, mais nettement insuffisant.

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Les résultats peuvent être très frustrants.  Au début, je n’ai trouvé dans nos lignées que peu de colonies (moins de 5 %) qui nettoyaient le tout (100 %) en moins de 24 heures.  Mais après plusieurs générations de sélection et d’accouplements adéquats, le changement fut fondamental.  À condition que l’on n’ait pas fait de faute grave en sélection ou dans les accouplements.

En juin de cette année (2014), j’ai examiné une combinaison (avec back-cross) de colonies qui avaient survécu sans traitement anti-Varroa.  La mère s’appelle
P114(PJ)
et on peut obtenir les quatre dernières générations de son pedigree en cliquant sur le nom.  C’est en ligne directe une combinaison Primorsky-Buckfast, avec laquelle nous effectuons des expériences de survie depuis 2002.  Elle-même a été croisée avec une combinaison menée par Juhani Lundén (FI).  On peut constater sur le pedigree que par trois fois, cette lignée a reçu, récemment, par insémination, du sperme de mâles choisis dans des colonies hygiéniques (P113H et P216H).  Les résultats de cette évaluation de l’hygiène chez les mâles sont étonnants : bien qu’en fécondation naturelle, 18 reines sur les 48 testées, non seulement répondent aux critères standard d’une bonne apiculture, mais ont nettoyé complètement leur couvain mort en moins de 20 heures.  Après une nouvelle sélection à la fin de la miellée du printemps prochain, les douze meilleures seront prêtes comme lignée de mâles « H » pour les inséminations de 2015.  Pour autant que d’autres défauts graves ne se montrent pas d’ici-là.

HYG: 100% HYG: 50%

Fig. 4.  Vérification après de 12 à 20 heures.  À gauche : 100 %, à droite, environ 50 % seulement.  Photos Paul Jungels.

Stratégie de sélection pour le VSH (Varroa Spécifique Hygiene)

On a trouvé les gènes codant pour le VSH chez des abeilles de nombreuses provenances.  Des collègues belges et d’autres en ont trouvé après comptage dans quelque 10 % de leurs colonies Buckfast (elles étaient de 50 à 75 % VSH).  Si on comprend bien la théorie ci-dessus, environ 10 % des colonies de toutes races ont certaines ouvrières avec 50 à 75 % de gènes VSH.  On doit les trouver et les rassembler.

Je vais donc me mettre à accumuler les gènes du VSH, au moyen de l’élevage de combinaison sur nos lignées Buckfast.  Le début de cette quête s’est passé en 2012 quand nous (les luxembourgeois) avons inséminé les lignées des Primorsky survivantes avec du sperme VSH obtenu de Baton Rouge (USDA).  L’évaluation du VSH est une tâche plus longue et difficile que ne l’est la mesure de l’hygiène du couvain.  Parce que le comptage et l’évaluation des colonies ne peuvent se faire que sous une forte pression des Varroa, et donc, chaque année, seulement vers la fin de la saison et avec un certain effort.

Des chercheurs américains ont montré que le VSH correspondait à six différents loci, sur deux des seize chromosomes de l’abeille (Oxley, Spivak et Oldroyd 2002/2010).  Puisque cet héritage est additif, plus il y a d’éléments dans une colonie et plus elle exprimera le comportement VSH.

Les inséminations avec un seul mâle apportent la clarté.

Au printemps, on insémine une jeune reine provenant d’une colonie ayant montré du VSH à la fin de l’été précédent avec le sperme d’un seul mâle venant d’une colonie aux mêmes caractéristiques.  De cette façon, on évite la diversité indésirable dans la progéniture de cette reine.  En effet, les quelque trois millions de spermatozoïdes d’un mâle sont identiques en raison de la parthénogenèse.  On peut donc, sur base du comptage sur le couvain de cette colonie, déterminer le nombre d’éléments de VSH qui y sont rassemblés.  Ce sera de même dans sa future descendance (reines-sœurs des ouvrières testées) et dans les mâles de celle-ci.  Ces reines ainsi inséminées ont une existence limitée, non seulement à cause de leur spermathèque peu remplie, mais aussi parce que la colonie risque de subir des carences du fait de l’existence d’une seule fratrie.  Les mini-ruches (mini-plus ou Warré ou 4×5 ½ Dadant) sont parfaites pour cela car une véritable atmosphère de colonie y règne.  Il faut jouer avec habileté sur la durée de vie de ces reines, sur l’âge requis pour faire l’évaluation, et le temps nécessaire pour produire des descendantes des reines sélectionnées.  Ces descendantes donneront, après vérification du comportement hygiénique, les mâles pour recommencer plus sûrement l’année suivante.

Les tests de 2014

J’ai choisi le matériel de départ pour la série d’expérience parmi les mères de reproduction venant de nos combinaisons de survivantes de 2002, inséminées avec le sperme de mâles VSH venant de Baton Rouge.

  • Le 5 mai, j’ai greffé à partir de trois lignées montrant des signes de VSH, et,
  • en fin de mai, 30 reines vierges ont été inséminées avec un seul mâle.
  • 26 reines se mirent à pondre et 20 d’entre elles ont terminé l’expérience en août.
  • Après avoir attendu que la progéniture de ces colonies soit bien celle de la reine, j’ai infesté artificiellement des cadrons de couvain ouvert (Fig. 5).
Couvain destiné à l’infestation Hausse pour effectuer l’infestation

Fig. 5 & 6.  État du couvain ouvert destiné à l’infestation par des Varroa et hausse particulière destinée à effectuer cette infestation.

Pour réaliser cette infestation, …

  • une semaine auparavant, on a encagé la reine d’une forte colonie bien infestée.  Après huit jours, étant donné les naissances et la fin du couvain ouvert, le nombre de Varroa phorétiques (sur les abeilles) a fortement augmenté.
  • au moyen de lavage, on a mesuré une infestation de 19 % de Varroa phorétiques.  Ce qui donne pour 12 000 abeilles environ 2 200 acariens en liberté.
  • le temps était venu de procéder à l’infestation des nuclei avec les Varroa.  Dans chaque nucleus, on a choisi un cadron qui ressemblait le plus à la photo de la Fig. 5 — couvain ouvert suffisamment avancé. On les a identifiés (voir Fig. 6) et placés sans abeilles dans une rehausse adaptée, et posée sur la ruche ainsi préparée.  Les abeilles du corps traité ont immédiatement rejoint le couvain.
  • ces abeilles l’ont soigné et en 36 heures, les Varroa qu’elles portaient s’y étaient installés.  Après exactement une semaine, le couvain était en grande partie operculé et il a été remis sans abeille dans les ruchettes respectives.
  • début août, il éclosait avec cette engeance.
  • le 20 août, une équipe de cinq personnes de la fondation Arista est venue compter avec nous le couvain infesté des mini-colonies.  On a mesuré également le couvain de quatre colonies ordinaires, prometteuses concernant le VSH.
Auszählung

Fig. 8.  Pour compter le VSH du couvain de 24 colonies, nous avons eu l’aide de membres de la fondation Arista, qui ont participé à toute une journée de travail.

Six des vingt colonies un mâle (« one drone ») étaient VSH à 100%, c’est-à-dire que dans une quelconque cellule de couvain infestée, d’au moins 17 jours, il n’y avait plus que des acariens stériles, ou bien ils avaient été éliminés.

Malgré la fin de saison, j’ai greffé à partir de deux de ces reines.  J’ai utilisé de forts nuclei de reproduction, avec quantité de couvain naissant et nourris huit jours avant de miel et de pollen frais récoltés au printemps.  De sorte que j’ai pu obtenir de bonnes conditions de reproduction, malgré la saison avancée.  Avec 36 larves greffées, 35 cellules ont été operculées et 29 belles reines sont nées dans des unités de fécondation correctement préparées.  Fécondation au rucher, vingt reines étaient en ponte à la mi-septembre.  Après une sélection sévère début de l’année prochaine, les essais devraient, entre autres, continuer avec ces lignées comme donneuses de mâles.

En quelques heures

Fig. 7.  Quelques heures après le retour du couvain fortement infesté, la désoperculation commence activement dans les meilleures colonies.

Aufzucht August/Fütterung Pollen/Honig

Fig. 9.  Les jeunes abeilles du nuclei formé de couvain naissant se nourrissent abondamment du pollen frais offert et de ce fait, à la mi-août, deviennent, malgré l’avancée de la saison, une unité d’élevage de haut niveau.

Deux des quatre très bonnes colonies prometteuses étaient aussi VSH à 100 %.  Ne soyons pas dupes, il s’agit ici de colonies avec reines multi-mâles.  Mais il y a des raisons d’espérer obtenir de bonnes colonies VSH à partir de grandes séries de descendantes.

Perspectives

Depuis l’ère du Varroa, et suite à la densité élevée de nos colonies, celles-ci sont confrontées, comme jamais auparavant, à toutes les maladies possibles du couvain.  Et cela est encore amplifié en fin de saison par les épisodes de pillage.  Une hygiène du couvain hautement spécifique est l’une des conditions nécessaires pour une bonne capacité de régénération des colonies en fin d’été et en automne.  Et pour arriver à une hygiène du couvain de haut niveau, il ne suffit pas seulement de bien sélectionner la colonie-père, mais il convient aussi de tester chacune des colonies destinées à donner réellement les mâles — les filles de cette colonie-père.

Une haute pression de l’action des Varroa dans de nombreuses colonies est généralement précédée par une prolifération illimitée des acariens.  Cette prolifération illimitée n’a pas lieu dans toutes les colonies.  Il se peut que ce soit …

  • le couvain de ces colonies qui est moins attrayant, on ne sait pas encore vraiment pourquoi
  • pour une raison encore inconnue, les acariens introduits dans le couvain demeurent stériles (Varroa non-reproducteurs)
  • ou encore que les familles (Varroa reproducteurs) d’acariens sont détectées et éliminées par les abeilles (VSH).

Et nous savons que les mécanismes qui conduisent à ces trois cas sont héréditaires.  La sélection qui, auparavant, se contentait de surveiller le développement de l’infestation en constatant le nombre de Varroa tombés après le traitement d’août, devrait se faire maintenant sur des colonies survivantes, non traitées, qui se défendent le mieux.  C’est une nouvelle phase de la sélection, beaucoup plus concrète.

Il faudra donc ne pas manquer de le faire …

L’objectif est également de trouver des marqueurs génétiques adéquats pour détecter rapidement les mécanismes de résistance décrit ci-dessus.  C’est par ce moyen de vérification, plus facile, que l’élevage d’abeilles résistantes pourra atteindre la large base nécessaire à l’obtention de nombreuses populations résistantes au Varroa.  Toutes les colonies intéressantes et donc génétiquement utilisables (reines et mâles) ont été conservées pour l’an prochain.  On a aussi conservé des échantillons des reines (aile clippé) et les mâles ayant servis aux inséminations.  Ils servent de matériel de base de leur recherche au « Honey Bee Breeding Laboratory » USDA (USA) et le « Laboratory of Genetics » de l’Université de Wageningen (NL).

Constatation

Fig. 10.  Expression parfaite du VSH (100% VSH) dans une colonie de production.  Toutes les familles de Varroa ont été identifiées et éliminées par les ouvrières de cette colonie.  Aucune progéniture de Varroa n’en sortira.

Merci à la Fondation « Arista Bee Research », et à l’aide désintéressée de André Bosseaux, Estelle Carton de Wiart, Éléonore Cattani, Jean-Marie Van Dyck, Jos Guth, Renaud Lavend’Homme et Nico Turmes.

Paul Jungels
Octobre 2014

La fondation Arista Bee Research en deux mots …

Cette fondation a été créée à la fin 2013 et a pour but l’élevage d’abeilles plus saines et surtout résistantes au Varroa.  La fondation est une organisation sans but lucratif, soutenue scientifiquement par les chercheurs du “United State Department of Agriculture” (USDA, Baton Rouge, USA), le „Bieneninstitut Kirchhain“, le „Länderinstitut für Bienenkunde, Hohen Neuendorf“ (tout deux d’Allemagne) et la “Wageningen Universiteit” (Pays-Bas). La fondation Arista Bee Research a réellement besoin d’un soutien financier pour continuer activement ce travail important.  Merci d’avance.

Publié dans …
der Buckfastimker,
2014(4)
article par   Paul Jungels,
LU-9361 Brandenbourg

Adaptation en français :
Jean-Marie Van Dyck,
BE-5190 Jemeppe-sur-Sambre
avec son autorisation