Anecballie (suite)
Extrait de La Belgique Apicole, 16(10), 1952, p 245-247 Avec leur permission. |
[Voir le premier article de R. Liétar] [Retour à la Biblio] [Articles originaux (1938) de H. Wallon „1“ et „2“] |
Article de R. LIETAR Belgique |
Jai eu loccasion, dans « La Belgique Apicole » des mois de janvier-février, décrire sur lanecballie un article qui embrasse la question dans son ensemble, sans expliquer comment il faut comprendre, et à quoi se limite cette qualité.
Dans cet exposé, je désignais, sous le nom de mutation, un caractère apparaissant brusquement au cours des générations et qui se transmet par hérédité.
Lorsquune mutation se manifeste sur la structure dun être, elle peut être repérée immédiatement: en effet, le changement de forme retient tout de suite lattention de léleveur qui sen préoccupe pour le maintenir sil est favorable, ou le faire disparaître dans le cas contraire. Il en est tout autrement des changements de comportement qui, nétant pas morphologiques, requièrent une observation soutenue pour être remarqués et une persévérance opiniâtre pour leur mise en valeur.
Je ne retracerai pas ici le travail pénible, coûteux et obstiné auquel sest attaché le Docteur WALLON pour obtenir son abeille anecballique : les lecteurs de « La Belgique Apicole » pourront trouver dans les mensuels de 1938 le compte rendu de son labeur. Ils sauront ainsi quil na pas suffi dune sélection unique pour réunir dans une même souche lanecballie et lardeur au travail.
Il existe en effet deux sortes danecballies : celle provoquée par la médiocrité génétique dune reine, cest la mauvaise, et lautre, la bonne, survenue parce que la race a perdu sa nature essaimeuse.
Dans le premier cas, les abeilles sont anecballiques par impuissance: les mères ne pondent pas assez pour produire une forte population, celle-ci na pas tendance à essaimer. Ces lignées dégénérées sont appelées à disparaître, et cest un bien car elles ne laissent aucun profit à lapiculteur.
Il en est tout autrement dans le second cas où la qualité de non essaimeuse va de pair avec la fécondité, le courage et la vitalité.
Celles-ci ne dépérissent pas: effectivement ce nest ni lanecballie, ni même la consanguinité qui provoquent la dégénérescence dune race saine. Il suffit pour sen convaincre de songer à toutes les perpétuations despèces par génération asexuée, par scissiparité, ou le mode de reproduction ne laisse place à aucun mélange, à aucune hybridation, et cependant ces générations restent parfaitement fortes, pleinement vigoureuses depuis des millénaires.
Le rucher du Docteur Wallon est convainquant à cet égard; ses abeilles nessaiment pas, quoiquelles disposent dune miellée précoce. Les populations sont fortes et très actives. Cest quen recherchant lanecballie, le Docteur Wallon a aussi sélectionné labeille de rapport et ce nest pas son moindre mérite. Lanecballie, en effet, nest pas une panacée : pour produire du miel, il ne suffit pas de rester rivé à la ruche, il faut surtout butiner. Mais dans lassociation de ces deux qualités : peu dessaims et ardeur au travail, lapiculteur peut en toute confiance rechercher les meilleures qualités de rapport de ses colonies.
Daucuns ne croient pas à lanecballie, parce quils ont vu essaimer des colonies auxquelles on attribue ce caractère. Noublions pas quune race stabilisée reste pareille à elle-même dans un même milieu : hors de là, elle peut se comporter différemment.
Les ruches utilisées par le Docteur Wallon à Bruxelles sont de grandes « de Layens », à la mesure de la population quelles doivent contenir. Nul na prétendu que ces mêmes colonies ne déserteraient pas éventuellement des habitations plus petites ou même de système différent, mais chaque apiculteur peut et doit trouver les lignées qui dans sa région et dans ses ruches nessaiment pas. Au cours de ses recherches, le Docteur Wallon a dabord choisi la ruche idéale pour sa sphère de récolte, ensuite il a trouvé les abeilles les plus aptes au rendement maximum dans lhabitation qui leur est attribuée.
Comme lui, je suis davis, quavant tout, cest la ruche qui doit être adéquate à la région mellifère prospectée, puis vient labeille idéale pour la contrée et pour la ruche choisie. Dans la recherche de la meilleure reine, qui est tant dactualité, je crois inopportun dentamer des controverses et de semballer sur les qualités soi disant inégalables de telle ou telle race.
Il existe de nombreuses lignées intéressantes; mais la meilleure abeille dans une contrée, peut savérer moins bonne que dautres ailleurs, ou travaillant dans des conditions différentes: il ny a pas une race qui soit parfaite en toutes circonstances et en tous lieux.
Quand labeille anecballique est logée en deçà de la capacité quelle requiert, elle essaime, mais alors seulement, tandis que labeille ordinaire essaime par nature, parfois sans motif, à tout propos et surtout hors de propos.
Si lon compare lapier au poulailler, on peut dire que certaines races de poules ne se reproduisent plus puisquelles ne couvent plus; mais quune Leghorn ou autre mauvaise couveuse ponde dans un endroit caché, où ses ufs restent dissimulés, elle finira par couver, jamais autrement. Une poule couveuse, au contraire, restera sur le nid, fiévreuse dincubation, même sans avoir dufs à sa disposition. Il est évident et indéniable que lapiculteur soucieux de fortes récoltes adoptera des abeilles qui essaiment le moins possible.
Par contre, lapiculture intensive demande des essaims et le novice, pour augmenter rapidement son abeiller, sera tenté dutiliser ces rejetons et parfois même ces souches essaimeuses. De cette façon, il acquerra rapidement beaucoup dabeilles et peu de miel.
Malgré tout, lessaimage a conservé son charme, sa beauté, sa splendeur même, quand toutes les portes de la ville souvrent et que lenfant sévade sous lil admiratif et désintéressé du poète qui nattend rien dautre de lapier.
Peut-être en suivant cette route à la poursuite de ses volages avettes, rencontre-t-il parfois, sous les frondaisons ensoleillées, lombre auréolée du grand Maeterlinck surveillant encore le sapin, le pommier ou le saule, où la reine vient se fixer comme un clou dor auquel, dans un prodigieux murmure de soierie diaphane, le radieux manteau qui chante accroche une à une ses ondes musicales.
Extrait de La Belgique Apicole, 16(10), 1952, p 245-247 Avec leur permission. |
[Retour à la Biblio] [Articles originaux (1938) de H. Wallon „1“ et „2“] |
Article de R. LIETAR Belgique |